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Comptabilité irrégulière et comblement de passif

Dans un arrêt du 1er juin 2023 (RG C.22.0468.F), la Cour de cassation a considéré que la Cour d'appel de Liège avait légalement pu décider qu'un dirigeant de société ne pouvait se prévaloir de l'exception ménagée, par l'article XX.225, §2 du CDE, au bénéfice des dirigeants entreprises faillies ayant réalisé au cours des trois exercices précédant la faillite (ou de tous les exercices s'il y en a moins) un chiffre d'affaires moyen inférieur à 620.000 € HTVA, et dont le total du bilan du dernier exercice n'a pas dépassé 370.000 €, qui leur permet d'échapper à l'action en comblement de passif, lorsque le dernier bilan sur lequel il s'appuyait pour établir que le total du bilan de l'entreprise était inférieur au seuil prescrit par la loi avait été établi postérieurement à la faillite, d'une part, n'avait ni été approuvé par l'assemblée générale, ni publié, d'autre part.       

Dans un même ordre d'idées, la Cour de cassation a validé la position des juges d'appel selon laquelle il était inutile de donner suite à la demande tendant à s'entendre ordonner la production des déclarations de TVA et du bilan finalisé postérieurement à la faillite, que le dirigeant concerné formulait dans l'espoir d'établir que les seuils énoncés par la loi pour l'application de l'action en comblement de passif n'étaient pas atteints. Pour valider le rejet de cette demande par les juges d'appel, la Cour de cassation a fait sienne leur affirmation selon laquelle l'application de l'article XX.225, §2 du CDE "suppose la tenue d'une comptabilité régulière". Le droit à la preuve, et les divers principes fondamentaux du procès équitable qui étaient -non sans intérêt- invoqués à l'appui du pourvoi en cassation sont donc évincés par la simple considération que le dirigeant d'une entreprise qui prend des libertés avec les exigences comptables, formelles, qui encadrent l'exercice d'une telle entreprise, se prive irrémédiablement, ce faisant, du droit d'invoquer une exception qui n'a été écrite, comme le trahissent en un sens certains de ses termes, que pour les entreprises dont la comptabilité est régulièrement menée.  

Il convient de mettre en exergue, nous semble-t-il, la sévérité de cette jurisprudence, et combien elle s'inscrit dans la sévérité plus générale dont le droit de l'entreprise est capable concernant le respect, par les entrepreneurs, des exigences formelles (telles la tenue d'une comptabilité) qui encadrent l'exercice d'une entreprise. S'il est permis d'y voir une sévérité, c'est qu'elle révèle, à vrai dire contre les intuitions, combien la tenue et l'exercice d'une entreprise constituent en réalité, pour une part non négligeable, un exercice de pure forme, appellant un art consommé de la maîtrise et du respect des formes au moins autant que la capacité à développer un produit ou un service porteur sur un marché, et à s'y comporter de façon conséquente, sur la substance, par rapport à l'éthique propre qu'incarne le marché. A notre estime, il n'y a pas lieu de se réjouir de cette emprise, parfois dévorante, et toujours plus invasive, du royaume des formes au coeur même de l'entreprise: la forme, idéalement, devrait toujours être au service du fond, lui être infédoé, et ne jamais oeuvrer contre lui, ou à son détriment.        

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