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Insolvency

Restructuration de crédit en cours de réorganisation judiciaire et dette de masse

Dans un très intéressant arrêt du 10 mai 2019 (RG C.18.0564.N), consultable ici, la Cour de cassation a considéré, à juste titre, que ne pouvait mériter l'appellation de "dette de masse" au sens de l'article 37 de la loi relative à la continuité des entreprises (aujourd'hui reprise dans le Code de droit économique), la créance d'un organisme de crédit découlant d'un crédit consenti au débiteur en cours de réorganisation judiciaire pour permettre le remboursement d'un crédit préexistant. Pour rappel, l'article 37 érige au rang de dette de masse dans un concours subséquent étroitement lié à la réorganisation judiciaire les "créances d'un cocontractant qui se rapportent à des prestations réalisées pendant la procédure de réorganisation judiciaire". Rien de tel, en l'espèce, puisque le crédit n'impliquait pas la fourniture d'une prestation nouvelle au débiteur: il s'agissait simplement de restructurer sa dette, en telle sorte que la créance découlant de cette restructuration, qu'aucune prestation nouvelle ne venait accompagner, ne pouvait répondre à la notion de dette de masse visée à l'article 37 précité.

Cette solution doit être approuvée: seule la créance découlant d'une nouvelle prestation de crédit consentie en cours de réorganisation judiciaire, c'est-à-dire une prestation impliquant l'octroi d'un nouveau pouvoir d'achat au débiteur, pourrait prétendre au statut de dette de masse dans un concours subséquent. Ne constitue pas une telle prestation l'éventuel moratoire complémentaire consenti au débiteur du fait de la réorganisation des modalités de remboursement de la créance préexistante. En ce sens, l'arrêt dit quelque chose de très intéressant sur l'opération de crédit elle-même, à laquelle l'octroi d'un simple délai de paiement ne saurait s'assimiler. 

En passant, on se permettra de regretter, sur un tout autre point, que la Cour considère que les dettes de masse "échappent au concours", ce qui nous semble, compte tenu de l'absence de division de la personnalité juridique du débiteur consécutive au concours, inexact: à notre estime, il est plus juste de considérer que les dettes de masse font, comme toutes les dettes du débiteur, partie du concours, et qu'elles n'émergent en règle de la confrontation avec les prétentions des autres créanciers qu'incarne le concours que par le jeu normal des privilèges, spécialement par application du privilège des frais de justice ou du privilège des frais de conservation, lorsque les conditions propres à ceux-ci sont réunies. Le régime prétorien des dettes de masse, tel qu'il a été dégagé par la Cour de cassation, tend du reste à confirmer les très étroites affinités que la dette de masse entretient avec ces privilèges et avec leurs conditions d'application. A défaut d'ancrer le concept de dette de masse dans celui de privilège, on prive la cause de préférence qu'implique la première de toute base légale. On propose également, à notre estime, une vision trop statique et dogmatique du concours, comme si la rencontre des créanciers avait lieu de façon synchronique, au moment unique de la naissance du concours, alors même que rien n'interdit que la recontre des prétentions des créanciers sur le patrimoine de leur débiteur commun puisse s'accomplir de façon diachronique , dissocié dans le temps, compte tenu notamment des évolutions que le patrimoine du débiteur est encore susceptible de connaître après l'entrée en phase de concours collectif qu'incarne, par exemple, la déclaration de faillite.                        

 

Olivier Creplet 

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