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Insolvency

Réorganisation judiciaire: inscription d'une hypothèque légale en cours de sursis

Par un arrêt 23/2016 du 18 février 2016, la Cour constitutionnelle a considéré que l'article 31 de la loi relative à la continuité des entreprises, qui proscrit les saisies pratiquées du chef des créances sursitaires au cours du sursis était contraire à la Constitution en tant qu'il ne visait pas également les hypothèques légales prises par l'administration fiscale en cours de sursis. L'arrêt se fonde, à juste titre, sur l'effet d'indisponibilité équivalent que l'inscription d'une hypothèque légale engendre, par rapport à celui qui découle de la transcription d'une saisie immobilière, pour considérer qu'il est contraire aux principes d'égalité et de non-discrimination d'interdire la seconde tout en autorisant la première. L'arrêt rappelle également, non sans intérêt, que la loi sur la continuité des entreprises a confié à l'administration fiscale, en rupture avec la tradition antérieure spécialement incarnée par le concordat judiciaire, le statut de créancier sursitaire ordinaire, positionné sur pied d'égalité avec les créanciers non nantis de privilèges généraux, et que la possibilité pour l'administration fiscale d'inscire une hypothèque légale en cours de sursis "en vue d'être reconnue comme créancier privilégié à son terme" portait une atteinte disproportionnée à ce principe d'égalité élargi voulu par le législateur dans le contexte de la réorganisation judiciaire (point B.14.3, page 14 de l'arrêt).    

Comme la Cour le précise explicitement dans son arrêt, apportant une nouvelle pierre à l'édifice de la théorie des lacunes, il appartient au juge du fond (et non au législateur) de mettre fin à la lacune constatée, dès lors que celui-ci "est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition en cause dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution".       

Si la solution développée par l'arrêt nous semble devoir être pleinement approuvée, l'on pouvait également considérer, nous semble-t-il, que l'inscription d'une hypothèque légale constituait une "voie d'exécution" exercée sur un bien immeuble du débiteur, au sens l'article 30 de la loi relative à la continuité des entreprises, et était partant prohibée par cette disposition, ce qui eût suffi à ôter toute consistance à la différence de traitement relevée dans la question préjducielle. L'on peut dès lors regretter que la Cour constitutionnelle n'ait pas ne fût-ce que suggéré une telle piste, comme elle avait parfaitement la possibilité de le faire dans le cadre de sa prérogative d'examen de la conformité de la norme légale visée par la question préjudicielle à la Constitution, d'autant que la définition de la notion de "voie d'exécution" invite indubitablement, même si sa teneur demeure discutée, à une approche fonctionnelle.      

L'arrêt met également en lumière, de façon à tout le moins implicite, qu'un créancier sursitaire qui était ordinaire au moment de l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire peut acquérir la qualité de créancier sursitaire extraordinaire en cours de sursis et bénéficier de la protection particulière dont bénéficie un tel créancier (notamment au niveau des possibilités réduites que possède le débiteur de restreindre ses droits sans son consentement dans le cadre du plan de réorganisation judiciaire), s'il s'est fait valablement consentir, en cours de sursis, des sûretés spéciales venant garantir sa créance sursitaire (i.e. antérieure à l'ouverture de la procédure). La qualité de créancier sursitaire ordinaire ou extraordinaire n'est donc pas figée une fois pour toutes au moment de l'ouverture de la procédure, mais peut être amenée à évoluer au cours de celle-ci, dans la mesure où des sûretés spéciales peuvent être valablement consenties par le débiteur en cours de sursis, en garantie du passif sursitaire.     

 

Olivier Creplet 

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