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Interdiction professionnelle du failli et principe de légalité

Par un arrêt du 19 septembre 2024, la Cour constitutionnelle a validé la constitutionnalité du régime de l'interdiction professionnelle du failli, tel que mis en place par l'article XX.229 du Code de droit économique (CDE). Cette disposition -introduite par la loi du 11 août 2017 portant insertion du Livre XX dans le Code de droit économique- permet en substance au Tribunal de l'entreprise compétent de prononcer, à l'encontre du failli (ou des personnes qui lui sont assimilées) dont il est reconnu qu'il a commis une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite, l'interdiction d'exploiter personnellement ou par interposition de personne, une entreprise, pendant une durée maximale de dix ans. L'article XX.229 du CDE succède aux dispositions qui étaient reprises aux articles 3 et 3 bis de l’AR n°22 du 24 octobre 1934 relatif à l’interdiction judiciaire faite à certains condamnés et faillis d’exercer certains fonctions, professions ou activités, qui comprenait un régime similaire (l'article 3 bis avait été introduit par une loi de réorientation économique, la même qui avait constitué l'action en comblement de passif également structurée autour de cette notion de "faute grave et caractérisée"). Relevons que le régime introduit dans le Code de droit économique ne se différencie guère de celui de l’AR n°22, puisque, notamment, l’un et l’autre se réfèrent au critère de la faute grave et caractérisée, sans lister spécifiquement les infractions pénales susceptibles de donner lieu à une interdiction (comme c'est le cas, dans l'article 1er de l'AR pour les condamnés de façon générale). La seule réelle nouveauté du régime introduit dans le Code de droit économique était, finalement, la possibilité, pour le tribunal ou la Cour saisi du litige d’assortir sa décision d’un sursis ou d’une suspension, le cas échéant eux-mêmes assortis de conditions probatoires.

Il n’y avait donc, en substance, et au regard de la « prévisibilité de l’incrimination », pas de nouveauté du nouveau régime par rapport à l’ancien.

Après avoir considéré que la sanction de l'interdiction était de nature "pénale" au sens de l’article 7, paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour d'appel saisie du débat concernant l'interdiction a estimé devoir interroger la Cour constitutionnelle quant à la  conformité de l'interdiction au prescrit constitutionnel, spécialement au principe légalité.

Après avoir rappelé « le principe de légalité en matière pénale qui découle de la disposition constitutionnelle précitée procède de l’idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable » et que « le principe de légalité en matière pénale n’empêche pas que la loi attribue un pouvoir d’appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s’appliquent et de l’évolution des comportements qu’elles répriment », la Cour constitutionnelle a considéré, en substance, que la notion de « faute grave et caractérisée » était « issue d’une législation ancienne qui a fait l’objet de précisions jurisprudentielles suffisant à éclairer le sujet de droit dans son comportement », non sans avoir précisé préalablement que « Lorsqu’elle apprécie la clarté et la prévisibilité de la mesure en cause, la Cour doit avoir à l’esprit que cette mesure s’adresse aux personnes qui exploitent une entreprise ou aux administrateurs ou gérants d’une personne morale, qui sont tous des professionnels ».

En somme, la notion étant largement connue des milieux juridiques, utilisée récurremment dans le droit positif (notamment dans le contexte de l’action en comblement de passif), et encadrée par une jurisprudence ancienne, la Cour constitutionnelle en déduit qu’elle présente, pour les professionnels auxquels elle s’adresse (professionnels que sont nécessairement les faillis ou leurs dirigeants), le caractère de clarté et de prévisibilité auquel les lois en matière pénale doivent s’astreindre au nom du principe de légalité.

Insolite raisonnement, par lequel la prévisibilité d'une disposition légale n'est plus seulement traitée comme une question abstraite, mettant aux prises un texte légal et ses possibles destinataires, mais aussi comme une question de fait, étroitement liée à la sociologie de l'application de ladite disposition, et à sa pénétration réelle ou supposée dans le monde de l'entreprise et de ses dirigeants ...

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