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Contracts, Torts & Obligations

Caution dirigeante et notion de gratuité - Nécessité pour le juge du fond d'identifier concrètement les avantages pouvant être retirés du cautionnement

Par un important arrêt du 20 mai 2021 (RG C.20.0118.F), la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer, une nouvelle fois, sur la notion de cautionnement à titre gratuit, spécialement en rapport avec la figure bien connue de la "caution dirigeante", qui renvoie à l'hypothèse dans laquelle le dirigeant d'une personne morale se porte caution, souvent à la demande d'un établissement financier, des engagements souscrits par la personne morale.   

Selon l'article 80, alinéa 3 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites (disposition applicable au différend, mais qui figure aujourd'hui dans le Livre XX du Code de droit économique), le tribunal décharge en tout ou en partie la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle du failli lorsqu'il constate que son obligation est disproportionnée à ses revenus et son patrimoine (art. 80, alinéa 3, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites ). Par ailleurs, la nature gratuite de la sûreté personnelle consiste dans le fait que celui qui s'est constitué sûreté personnelle ne peut retirer aucun avantage économique, tant directement qu'indirectement, de cette constitution (article 2043 bis a) du Code civil).

Comme les juges d'appel l'avaient relevé à juste titre dans l'espèce qui leur était soumise, il appartient au juge de rechercher, in concreto, si la caution a retiré un tel avantage.

Or, ravalant ensuite quelque peu cette exigence, les mêmes juges s'étaient contentés de relever que le demandeur en casssation avait "effectivement poursuivi un avantage économique en acceptant de se porter caution", au motif qu'"il était administrateur de la société faillie" et que "son cautionnement devait permettre à la société, par cette aide et une position financière améliorée, d’exercer des activités dont (le demandeur) lui-même devait indirectement tirer profit".

La Cour de cassation a considéré que, dès lors qu'il "s’abstenait d'indiquer la nature des avantages dont le demandeur devait bénéficier grâce aux activités de la société pour laquelle il s'était porté caution", l'arrêt permettait pas à la Cour de contrôler la légalité de sa décision et qu'il violait, ce faisant, l'article 149 de la Constitution et l'obligation de motivation qu'il instaure.

Cet arrêt nous paraît devoir être approuvé: c'est bien in concreto, et dans l'exigence des faits, qu'il convient de vérifier si le cautionnement mérite la qualification de cautionnement à titre gratuit, c'est-à-dire s'il est de nature à procurer des avantages, réels ou potentiels, à celui qui le souscrit (et non, faut-il le souligner, au débiteur principal, en l'occurrence la personne morale). Ne rencontre pas cette exigence le raisonnement qui se contente de poser que la caution ayant la qualité de dirigeant de la personne morale qui s'engage comme débiteur principal, elle retire nécessairement un avantage du cautionnement qu'elle souscrit au bénéfice de l'être moral. Il convient donc de se garder de toute affirmation stéréotypée, et de privilégier une analyse ciblée, au cas par cas, ayant pour objet d'identifier précisément et concrètement, dans toute la spécificité du cas, les avantages qui sont retirés du cautionnement ou peuvent l'être.

 

Olivier Creplet  

 

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