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Financial Crime

Un actif obtenu de manière illicite peut-il faire l’objet d’un abus de bien social ?

Dans un arrêt du 2 octobre 2019, la Cour de cassation s’est prononcée sur une intéressante question : un actif généré par une activité illicite est-il susceptible d’être considéré comme un « bien » pouvant faire l’objet d’un abus de bien social ?

Cette infraction est réprimée par l’article 492bis du Code pénal suivant lequel :

« Sont punis d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de cent euros à cinq cent mille euros, les dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et civiles ainsi que des associations sans but lucratif qui, avec une intention frauduleuse et à des fins personnelles, directement ou indirectement, ont fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage qu'ils savaient significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou associés.
Les coupables peuvent, de plus, être condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 33 ».

En l’espèce, une société dénommée « Fiduciaire Médicale » exerçait une activité de conseil fiscal et d’expert-comptable sans cependant remplir les conditions fixées par la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales (M.B., 11 mai 1999) et dont le non-respect peut engendrer des sanctions pénales (art. 58).

L’on peut déduire de l’arrêt de la Cour de cassation que la partie civile s’est plainte de ce que tout ou partie du produit de cette activité (illicite) aurait été détourné(e) du patrimoine de la société Fiduciaire Médicale, dissipation qui constituerait aux yeux de cette partie civile l’infraction visée à l’article 492bis du Code pénal.

Par un arrêt du 12 septembre 2018, la Cour d’appel de Bruxelles a acquitté les prévenus du chef d’abus de biens sociaux et s’est déclarée, en conséquence, sans compétence pour connaître de l’action civile.

A l’appui de cet acquittement, l’arrêt querellé s’appuie sur le raisonnement suivant : la société Fiduciaire Médicale « a persisté dans l’exercice de la profession de conseil fiscal et d’expert-comptable, maintenant ainsi une clientèle qui, s’agissant d’une activité devenue illicite et pénalement sanctionnée, ne présente pas de valeur économique » et qui ne peut, dès lors, être considérée comme un « actif de la société » et « donc un bien au sens de l’article 492bis du Code pénal ».

La Cour de cassation a censuré ce raisonnement : la question de l’origine « illicite » d’un bien est indifférente quant aux conditions d’application de l’infraction d’abus de biens sociaux :

« De la circonstance qu’une activité est exercée dans des conditions contraires à l’ordre public, faute d’avoir obtenu l’agréation prescrite à peine de sanction, il ne résulte pas que la clientèle et les bénéfices engendrés par cette activité soient dépourvus de valeur économique ni, dès lors, qu’ils ne constituent pas un bien entré dans le patrimoine de la société ».

Autrement dit, l’origine illicite d’un bien n’autorise pas son détournement.

Cette décision doit être approuvée.

Elle laisse cependant le débat ouvert quant aux conséquences civiles pouvant résulter de l’infraction déclarée établie, à tout le moins vis-à-vis de la personne morale qui solliciterait la réparation du préjudice en résultant. En effet, une chose est de considérer qu’un actif « illicitement » obtenu est visé par l’article 492bis du Code pénal, une autre est considérer que la personne morale au détriment de laquelle cet actif a été détourné puisse, lorsqu’elle est le véhicule au travers duquel l’activité illicite s’est déployée, justifier d’un intérêt (1) ou d’un dommage légitime (2) susceptible de fonder une action civile.

 

 

Bruno Dessart
b.dessart@legacity.eu


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(1) Sur la question de l’intérêt légitime, voy. R. JAFFERALI, « L’intérêt légitime à agir en réparation. Une exigence… illégitime ? », J.T., 2012, p. 253 et s.
(2) Pour une synthèse relativement récente de la question de la légitimité du dommage comme condition de sa réparation, voy. N. ESTIENNE, « Le dommage réparable : quelques questions d’actualité », in Trois conditions pour une responsabilité civile, Limal, Anthemis, 2016, p. 77 et s., n° 38 et s.

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