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Litigation

Nullité énoncée par la loi sur l'emploi des langues en matière judiciaire: retour en force de l'ordre public

Par un arrêt 120/2019 du 19 septembre 2019, la Cour constitutionnelle a annulé l'article 5 de la loi du 25 mai 2018 "visant à réduire et redistribuer la charge de travail  au sein de l'ordre judiciaire". En substance, cette disposition avait soumis au droit commun des nullités relatives, inscrit dans le Code judiciaire et généralisé depuis la loi du 29 octobre 2015 dite "pot-pourri I", les nullités découlant des violations de la loi sur l'emploi des langues en matière judiciaire. 

En susbtance, la Cour constitutionnelle a considéré que la diposition instaurant ce nouveau régime aurait dû être adoptée à la majorité spéciale, en application de l'article 157 bis de la Constitution, lui-même introduit à l'occasion de la fameuse réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles réalisée le 19 juillet 2012 (parfois -erronément- qualifiée de "scission"). La disposition attaquée touchait en effet, selon la Cour, des "éléments essentiels" du régime de l'emploi des langues en matière judiciaire au sein de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, au sens dudit article 157 bis de la Constitution. Comme l'exigence de majorité spéciale énoncée par cette dernière disposition "fait partie intégrante du système de détermination de compétences", les règles répartitrices de compétence ont été violées par la disposition attaquée, qui se trouve dès lors annulée en tant qu'elle s'applique dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles (point B.19 de l'arrêt).

Il ressort clairement de cette décision que le régime de la nullité absolue des violations de la loi sur l'emploi des langues, dont la rigidité dénote pourtant au regard de l'assouplissement des nullités énoncées par le Code judiciaire et, plus généralement, de la volonté de déformaliser la procédure qui a animé (avec succès ou non) bien des réformes récentes, est politiquement cadenassé à Bruxelles.

Répondant aux autres moyens des requérants, la Cour va plus loin, puisqu'elle annule en son intégralité la disposition nouvelle, considérant que celle-ci malmène les principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination lus conjointement avec les garanties du procès équitable, en ce qu'elle peut obliger le juge à devoir prendre connaissance de pièces dela procédure rédigées dans des langues qu'il n'est pas censé maîtriser et amener une partie à devoir se défendre (par exemple quant à l'existence d'un grief) dans une langue qui n'est pas la sienne.

Les effets de la disposition annulée ont été maintenus jusqu'à la publication de l'arrêt, qui est intervenue le 10 octobre 2019.

Oserait-on souhaiter que le législateur qui serait amené, si les savants équilibres politico-linguistiques devaient le permettre, à repenser sa copie, s'inspire de l'excellent mot d'Henri Bergson: "L'homme devrait mettre autant d'ardeur à simplifier sa vie qu'il en met à la compliquer" ? Avouons que l'air du temps n'y incite guère...  

 

Olivier Creplet 

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