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Nouvel arrêt de la CJUE concernant l'assujettissement à la TVA du dirigeant d'une structure juridique (en l'espèce une fondation)

Un récent arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne est l'occasion de revisiter une difficulté classique du droit fiscal, et une problématique qui semble l'embarrasser de longue date: celle de sa recontre avec la fiction juridique de la représentation, propre au mandat et à toutes les structures juridiques qui reposent peu ou prou (l'organe étant, pour notre part, en dépit des nombreux développements qui lui ont été consacrés, in fine réductible au mandat et à l'effet de représentation qu'il implique) sur cette figure pour se mouvoir, à l'intervention de personnes physiques déterminées, dans l'espace juridique. 

Par un arrêt rendu le 13 juin 2019 dans une affaire C-420/18 initiée sur question préjudicielle d'un tribunal néerlandais, la CJUE a en effet considéré que l'activité d'un membre du comité de surveillance d'une fondation, exercée contre rémunération, si elle consituait incontestablement une activité économique au sens de l'article 9 de la directive TVA, n'était pas une activité indépendante au sens de cette même disposition, bien que ledit membre ne soit pas lié par un lien de subordination hiérarchique à la fondation (il exerçait ses activités dans le cadre d'un contrat de prestation de services) et qu'il ne puisse être considéré comme étant placé dans un rapport de subordination au sens de l'article 10 de la directive TVA, concernant ses conditions de travail, un tel lien étant en l'espèce notamment manifestement incompatible avec ses fonctions de surveilalnce (points 35 et 36 de l'arrêt).   

La Cour disqualifie en réalité essentiellement l'activité du membre du comité de surveillance comme activité indépendante au motif que celui-ci n'agissait dans le cadre de cette activité ni en son nom, ni pour son compte, ni sous sa propre responsabilité. A notre estime, la solution prônée par la Cour trouve ainsi sa justification fondamentale dans la fiction de la représentation, même si la Cour ne l'invoque pas explicitement, et même si elle focalise davantage l'analyse sur le caractère collégial du conseil de surveillance et l'absence de responsabilité personnelle et individuelle en résultat, même vis-à-vis des tiers, à charge de chaque membre dudit conseil (point 41 de l'arrêt). A cet élément, tenant si l'on veut aux "risques juridiques" de l'activité (risques qui pèsent, par l'effet de la représentation, intégralement sur le mandant), la Cour ajoute que le membre ne supportait pas davantage le risque économique lié à l'exercice de ses activités, puisque sa rémunération était, en substance, fixe et indépendante de ses prestations (point 42 de l'arrêt).

Cette décision n'est pas sans intérêt pour la problématique du statut des dirigeants des personnes morales ou d'autres structures juridiques en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A cet égard, la situation nous paraît tout sauf satisfaisante sur le plan conceptuel, en droit belge, puisque les dirigeants personnes physiques sont exclus de tout assujettissement à la TVA (ce qui ne veut pas dire qu'ils ne peuvent être une "entreprise" au sens de l'article I, 1° ou I, 22° du Code de droit économique, comme en témoignent notamment les débats actuellement ouverts en jurisprudence quant à la question de savoir si le dirigeant d'une personne morale est, comme tel, passible du droit de l'insolvabilité) par une application plus ou moins aboutie de la théorie de l'organe (les commissaires-réviseurs n'en bénéfcient par exemple pas et sont assujettis à la TVA, alors qu'ils sont pourtant des organes en droit des sociétés), tandis que les dirigeants personnes morales sont, du moins depuis 2016, toujours assujettis à la TVA. Il en découle une différence de traitement qui malmène manifestement le principe de neutralité fiscale et son attachement aux réalités, et in fine (une fois encore) la cohérence et la rationnalité du système juridique.

Il est assez symptomatique, ceci étant, que les matières du droit qui, telles que le droit fiscal et le droit économique, ambitionnent de s'ancrer non tant dans une perspective de fait que, selon une locution barbare qui ne veut strictement rien dire, dans les "réalités économiques", peinent à accueillir de façon juste et cohérente, et dans toute son amplitude juridique, la fiction de la représentation qui est indéfectiblement liée à personne morale. 

 

Olivier Creplet         

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