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EU Law

Assurance obligatoire de la responsabilité civile des véhicules automoteurs - Directive - Absence d'effet direct horizontal - Possible responsabilité de l'Etat membre ayant failli dans sa transposition

L'assurance obligatoire de la responsabilité civile des véhicules automoteurs, telle que l'organise la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, doit couvrir "la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur" (article 3, §1er de la directive).

Le droit irlandais limitait pourtant cette obligation d'assurance, en énonçant que l’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile ne couvrait pas la responsabilité des dommages corporels causés aux personnes voyageant dans une partie d’un véhicule automoteur qui n’a été ni conçue ni construite avec des sièges pour passagers. Cette disposition fut, en son temps, jugée contraire à la disposition précitée de la directive européenne, qui répondait aux conditions de l'effet direct (arrêt Farrell de la CJUE du 19 avril 2007 - C‑356/05, EU:C:2007:229). 

Interrogée par une Cour d'appel irlandaise, la Cour de Justice a été amenée à préciser le sort qu'il convenait de réserver, sur fond de cette illégalité du droit irlandais, au contrat d'assurance prévoyant une clause d'exclusion limitant, dans le prolongement de l'interprétation restrictive des contours 'assurance obligatoire par le droit irlandais, la couverture au passager assis sur un siège fixe. Autrement dit, la contrariété du droit irlandais à la directive autorisait-elle à écarter non seulement son application, mais encore la clause contractuelle d'exclusion figurant dans le contrat d'assurance puisse également l'être à sa suite ? 

Dans un arrêt C-122/17 du 7 août 2018, la CJUE, la Cour a clairement répondu par la négative, et saisi l'occasion pour réaffirmer les contours de sa jurisprudence traditionnelle concernant l'effet direct des directives.

Elle a considéré, en substance, que la juridiction de renvoi, dès lors qu'elle s’estimait dans l’impossibilité d’interpréter les dispositions du droit irlandais dans un sens conforme à la directive, n’était pas tenue, aux fins de déterminer si la victime était en droit de réclamer à la compagnie d'assurance l’indemnisation du préjudice subi par lui à la suite de l’accident de la circulation à l’origine de cette affaire, de laisser inappliquées, sur le seul fondement de la directive, ces dispositions nationales de même que la clause d’exclusion figurant, conformément à ces dernières, dans le contrat d’assurance souscrit. Cela reviendrait, en effet, selon la Cour, à étendre l’invocabilité d'une directive dans le domaine des rapports entre particuliers (point 55 de l'arrêt).

Ce faisant, la Cour s'en tient rigoureusement à sa position séculaire selon laquelle la disposition d'une directive, fût-elle claire, précise et inconditionnelle, ne saurait jamais avoir d'effet direct dans les relations entre les particuliers (voir également points 42 et 43 de l'arrêt). En décider autrement reviendrait, selon la Cour, "à reconnaître à l’Union européenne le pouvoir d’édicter avec effet immédiat des obligations à la charge des particuliers, alors qu’elle ne détient cette compétence que là où lui est attribué le pouvoir d’adopter des règlements", et donc à méconnaître la nature même de la directive (point 42 de l'arrêt). 

Pour finir, la Cour précise -rappelant là encore une solution bien installée- que "la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l’Union ... pourrait néanmoins se prévaloir de la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428), pour obtenir de l’État membre, le cas échéant, réparation du dommage subi". La responsabilité de l'Etat membre ayant failli dans la transposition de la directive apparaît ainsi comme le palliatif naturel de l'absence d'effet direct de la directive dans les "relations horizontales de droit", qui découle elle-même intimement de la nature même de la directive.

Cet arrêt "de tradition", rendu sur fond d'une question préjudicielle qui n'était pas sans allures de sophisme, doit, à notre estime, être pleinement approuvé.

 

Olivier Creplet

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