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Financial Crime

Affaire Luxleaks : bref commentaire de l'arrêt de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du 11 janvier 2018

 

Dans un arrêt du 11 janvier 2018, la Cour de cassation luxembourgeoise a partiellement cassé l'arrêt rendu par la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg le 15 mars 2017 dans l'affaire dite Luxleaks. Cet arrêt avait condamné Antoine Deltour, ancien employé de PricewaterhouseCoopers (PWC) suite à l'appropriation et à la remise à un journaliste d'accords fiscaux conclus entre PWC et l'administration des contributions directes luxembourgeoise pour compte de clients de PWC. La Cour d'appel, réformant en partie le premier jugement, avait acquitté Monsieur Deltour de la prévention de divulgation des secrets d'affaires et de violation du secret professionnel, sur base de la cause de justififcation tirée du statut de lanceur d'alerte, mais condamné celui-ci duchef d'appropriation illégitime et de blanchiment des documents concernés.  

Monsieur Deltour s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, alléguant en substance une violation de l'article 10 de la C.E.D.H., lequel consacre le droit à la liberté d'expression. Selon Monsieur Deltour, la Cour aurait violé cette disposition, en subordonnant son application au titre de cause de justification de sa responsabilité pénale, à la démonstration que les faits d'appopriation frauduleuse avaient été "commis en vue d'un lancement d'alerte, avec la motivation de procéder à l'exercice de sa liberté d'expression et d'alerter le public". Monsieur Deltour faisait ainsi le grief à la Cour d'appel d'avoir ajouté une condition à l'article 10 de la C.E.D.H., et à son invocation comme possible cause de justification de sa responsabilité pénale.  

La Cour de cassation sanctionne l'arrêt des juges d'appel sur deux points :

  1. Tout en ayant accordé à Antoine Deltour la cause de justification de lanceur d'alerte, au titre de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la " Convention "), en rapport avec la remise des documents d'accords fiscaux au journaliste, les juges d'appel n'avaient caractérisé, en fait, aucune autre utilisation que ladite remise des documents, en telle sort qu'ils ne pouvaient le faire bénéficier de la cause de justification tirée du statut de lanceur d'alerte pour la remise des documents et en même temps retenir l'infraction de blanchiment en rapport avec l'utilisation de ces documents. De ce point de vue, la Cour de cassation relève avec exactitude une contradiction dans le raisonnement des juges d'appel.  
  2. La Cour d'appel avait exclu du champ d'application du statut de lanceur d'alerte l'appropriation et la détention frauduleuses des documents concernés, et partant, refusé l'application de l'article 10 de la Convention au motif que cet article " ne saurait s'appliquer que si les faits ont été commis en vue d'un lancement d'alerte " et non si l'auteur s'approprie frauduleusement des documents à son lieu de travail, sans avoir à ce moment, l'intention de les publier dans le cadre d'une alerte et que cette intention ne surgit qu'après l'appropriation. La Cour en déduit une violation de l'article 10 de la C.E.D.H., "la reconnaissance du statut de lanceur d'alerte (devant) s'appliquer en principe à toutes les infractions du chef desquelles une personne, se prévalant de l'exercice de son droit garanti par l'article 10 de la Convention, est poursuivie, sous peine de vider la protection devant résulter du statut de lanceur d'alerte de sa substance". La Cour de cassation confère ainsi un "caractère général" à la cause de justification tirée de l'article 10 de la Convention. Cet effet d'ensemble implique que si la cause de justification est constatée en rapport avec la divulgation des informations, elle devrait également pouvoir l'être en rapport avec les infractions, préexistantes mais étroitement liées, par lesquelles le lanceur d'alerte s'est procuré les informations concernées ou est entrée en possession de celles-ci.

Cet arrêt annonce vraisemblablement un nouveau débat, plein et entier, concernant les rapports entre le droit à la liberté d'expression et le devoir de silence tiré du secret des affaires ou du secret professionnel, devant le juge de renvoi. Sauf à considérer que celui-ci ne pourrait plus remettre en cause le constat des premiers juges d'appel que Monsieur Deltour pouvait bénéficier du statut de lanceur d'alerte, ce qui à notre estime ne serait pas conforme à la cassation prononcée en raison de la contradiction des juges d'appel (voir point 1 ci-dessus).     

  

Julien Courbis
j.courbis@legacity.eu 

 

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