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Insolvency

Procédure d'insolvabilité - Contestation des créances - Clauses abusives - Créance issue d'une opération de crédit à la consommation

Dans un arrêt du 21 avril 2016, la Cour de Justice de l'Union européenne a tranché diverses questions préjudicielles qui lui étaient posées par une juridiction tchèque. Ces questions concernaient les directives en matière de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, d'une part, en matière de crédit à la consommation, d'autre part.

Nous en fournissons un bref résumé ci-après.

En l'espèce, un couple de personnes avait introduit une procédure d'insolvabilité, et obtenu le bénéfice de celle-ci. A l'occasion de cette procédure, le couple avait sollicité incidemment que des créances issues d'opérations de crédit à la consommation (et qui avaient été cédées entretemps) soient déclarées illégales, car contraires aux bonnes moeurs. La Tribunal tchèque, constatant que le droit tchèque de l'insolvabilité limitait la capacité de contestation du débiteur aux "créances non assorties d'une sûreté, et ce uniquement dans le cadre d'une demande incidente et pour les seuls motifs tenant à la prescription ou à l'extinction de la dette", a interrogé la Cour de Justice de l'Union européenne afin de vérifier si cette restriction était bien conforme au principe d'effectivité consacré par les directives en matière de clauses abusives et de crédit à la consommation, et poser un certain nombre d'autres questions concernant ces directives.

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La première des questions posées à la Cour avait trait au pouvoir de contestation des créances tombant sous le champ d'application des directives précitées dans le cadre de la procédure d'insolvabilité, et à sa conformité au principe d'effectivité que ces directives consacrent, lorsqu'elles énoncent que les Etats membres sont tenus de veiller, en substance, à ce que, dans l'intérêt des consommateurs, des moyens adéquats et efficaces existent afin de sanctionner les droits et dispositions qu'elles consacrent.    

Dans son arrêt, la Cour a considéré que ledit principe d'effectivité s'opposait "à une réglementation procédurale nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans une procédure d'insolvabilité, d'une part, ne permet pas à la juridiction saisie de cette procédure d'examiner d'office le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles dont les créances déclarées dans le cadre de ladite procédure tirent leur origine, alors même que cette juridiction dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, et qui, d'autre part, n'autorise laditre juridiction qu'à procéder à l'examen de créances non assorties d'une sûreté, et ce uniquement pour un nombre de griefs limités tenant à leur prescription ou à leur extinction".

Cet enseignement laisse poindre l'idée que la procédure d'insolvabilité doit organiser, pour le débiteur, la possibilité effective de contester, devant le juge qui en est saisi, les créances qui y sont engagées, du moins en tant qu'il s'agit de créances visées par les directives précitées. L'exigence, qui semble pouvoir être élargie à tous les droits consacrés par le droit communautaire, offre une balise intéressante à laquelle peut être confrontée chaque procédure d'insolvabilité organisée par le droit national. Rappelons à cet égard que le droit belge organise selon des modalités variables le régime de contestation des créances impliquées dans une procédure d'insovablité à vocation collective, selon le type de procédure concernée (faillite, liquidation, réorganisation judiciaire, règlement collectif de dettes). Dans ce contexte, le mandataire de justice (tel que le curateur) se trouve parfois investi d'un rôle particulier (voir le contentieux de l'admission des créances), généralement encadré par le Tribunal. L'arrêt de la Cour de justice nous paraît impliquer que les missions juridictionnelles confiées à ces acteurs doivent être effectivement exercées, et non seulement permettre au débiteur de contester les créances déclarées par ses créanciers, mais encore (ainsi que cela résulte de la réponse aux deuxième et troisième questions) investir ces acteurs de la mission de relever d'office leur irrégularité éventuelle au regard du droit européen, pour autant qu'ils disposent de tous éléments de fait et de droit nécessaires à cet effet.

La deuxième et la troisième questions sont l'occasion pour la Cour de rappeler sa jurisprudence en matière de traitement procédural, devant les juridictions nationales, de la protection du consommateur. La Cour y développe l'idée que "la protection effective du consommateur ne pourrait être atteinte si le juge national n'était pas tenu d'apprécier d'office le respect des exigences découlant des nomres de l'Union en matière de droit de la consommation", en l'espèce de le devoir d'information du prêteur. La Cour justifie comme suit sa position: "la situation d'inégalité du consommateur par rapport au professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux parties au contrat, du juge nationale saisi de tels litiges".

Ici encore, l'enseignement, aussi classique fût-il, s'avère extrêmement porteur en tant qu'il diffuse ses conséquences sur l'ensemble du droit de la procédure nationale, et sur des aspects aussi essentiels de ce droit que la question de l'office du juge.     

La quatrième question est l'occasion pour la Cour de préciser la notion de "montant total du crédit", qui sert notamment de détermination du coût maximal du crédit (par référence au TAEG), en décidant que celui-ci ne comporte pas les sommes qui sont affectées par le prêteur au paiement des coût liées au crédit concerné et qui ne sont pas effectivement versés au consommateur.

Les cinquième et sixième questions offrent à la Cour l'occasion de clarifier ou de rappeler certains aspects particuliers de l'appréciation des clauses abusives, et de la sanction de leur écartement. Ainsi la Cour précise-t-elle que le caractère abusif de la clause doit-il s'apprécier au regard de l'ensemble des clauses du contrat et en tenant compte de leur effet cumulatif, mais sans égard à la question de savoir si si le créancier poursuit effectivement l'exécution de chaucune d'entre elles. Par ailleurs, elle énonce que lorsque plusieurs clauses sont déclarés abusives, il convient que le juge national les écarte toutes, afin de s'assurer que le consommateur ne soit pas lié par celles-ci, conformément au prescrit de la directive.

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Cet arrêt démontre par l'exemple, si besoin était, que la jurisprudence communautaire, bien que se déployant dans un espace a priori lointain de celui où se nouent les litiges "domestiques", est en réalité extrêmement riche en arguments, perspectives, et ressources pour la résolution de tels litiges. 

 

Olivier Creplet 

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